le Vendredi 17 janvier 2025
le Jeudi 16 mars 2023 8:31 Société

Jeanne Carrière, de l’ombre à la lumière

Au cours des prochaines semaines, Le Régional vous fera découvrir Jeanne Carrière, une Lachutoise qui s'est retrouvée du jour au lendemain paralysée mais qui, notamment grâce à une chirurgie innovante, voit son avenir encore plus radieux qu'auparavant. Cette semaine: L'accident.
Jeanne Carrière, de l’ombre à la lumière
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Jeanne Carrière va mieux, beaucoup mieux que le 15 décembre 2021, jour de ce qu’elle appelle «L’Accident». Sa vie a changé depuis cette date et pourtant, même si elle devra passer le reste de ses jours en fauteuil roulant, elle est plus souriante que jamais. Une opération innovante pour lui redonner l’usage partiel de ses mains y est pour beaucoup mais au-delà du miracle médical, la découverte d’une force intérieure insoupçonnée lui permet de voir l’avenir de manière plus sereine. Dans les prochaines semaines, Le Régional vous fera découvrir le parcours inspirant d’une Lachutoise qui a su se relever après avoir atteint le fond du baril.

La dernière fois que Le Régional avait parlé avec Jeanne Carrière, c’était au printemps 2021. La Lachutoise venait de compléter sa formation en scénarisation à l’Institut national du son et de l’image et le premier court métrage qu’elle a réalisé, Lavée, avait été sélectionné au 40e Rendez-vous Québec Cinéma, tout comme un autre court métrage, Le Froid, dont elle avait signé le scénario. En couple depuis quelques années, la jeune femme d’alors 26 ans semblait vivre le parfait bonheur tant sur le plan personnel que professionnel. Ce n’était pas le cas.

Près de six mois plus tard, le 15 décembre, Jeanne a cru toucher le fond du désespoir. Dans un épisode d’état mixte, où des symptômes maniaques en côtoient ceux dépressifs, elle attente à sa vie en se jetant du haut d’une structure. Cette chute n’aura pas le résultat escompté: son corps sera brisé, incluant six des sept vertèbres cervicales, mais elle survivra. Transportée d’urgence à l’hôpital Sacré-Cœur de Montréal, elle restera en centre hospitalier pendant plus d’un an.

«J’étais tellement malade que je n’ai plus aucun souvenir de ‘L’Accident’ ni des quatre jours avant, raconte-t-elle. J’appelle ça un accident car pour la santé mentale tout comme pour la santé physique, ce n’est pas de ta faute quand ça arrive.»

Encore plus bas

Le pire restait encore à venir: Jeanne restera dans le coma pendant plus d’une semaine. Ce n’est que lors de la veille de Noël qu’elle rouvrira les yeux et qu’elle apprendra qu’elle restera paralysée. Le hic: elle est intubée et le restera pendant près d’un mois, soit autant de temps où elle ne pourra parler et questionner les médecins sur son état.

«Je me suis réveillée du coma toute seule. Quand les médecins m’ont dit que j’étais tétraplégique, c’était ‘rough’: j’avais tellement de questions parce que je ne me souvenais de rien mais je ne pouvais pas parler, se rappelle-t-elle. J’ai dû attendre près d’un mois pour poser mes questions. J’ai eu le temps de me faire une liste.»

Pour les proches aussi, plusieurs questions se bousculent qui nécessitent des réponses: pourquoi est-ce arrivé? Aurais-je pu faire quelque chose pour éviter cela? Qu’arrivera-t-il maintenant que Jeanne restera paralysée?

 «Surtout au moment de l’accident, il y a plein de sentiments qui se mélangent: est-ce qu’on aurait pu voir venir les choses?, confirme Jérémy Poirier, en couple avec Jeanne depuis maintenant six ans. Ce n’est pas le genre de chose qu’on accepte très rapidement.»

Le véritable fond du baril, Jeanne l’a atteint le soir du 31 décembre. Quelques semaines auparavant, le Québec avait été reconfiné pour faire face à la vague Omicron de la Covid-19. Les visites des proches à l’hôpital étaient donc interdites.

«C’était l’heure du décompte. Toute l’équipe des soins intensifs l’a fait, raconte-t-elle, en rappelant qu’elle était isolée des siens à ce moment-là. Je me suis dit que je ne pouvais pas aller plus bas. C’est à partir de ce moment-là que je me suis dit que ça ne pouvait qu’aller mieux vu que je venais vraiment d’atteindre le fond du baril.»

Retrouver la lumière

Même alitée en ce début de janvier 2022, Jeanne n’a plus qu’une idée: aller de l’avant et mordre à pleines dents dans la vie. Mais trouver cette force, cette résilience, peut prendre du temps.

«Ça ne vient pas du jour au lendemain, prévient-elle. Au début, il y a une sorte d’adrénaline qui te pousse à te retrousser les manches. Mais quand mes parents ont pu venir me voir aux soins intensifs, j’ai découvert l’amour inconditionnel. Mon chum est resté, j’ai revu mes frères… Chaque fois que je voyais de nouveau quelqu’un que j’aimais, c’était un ‘boost’.»

La première étape fut de trouver l’aide psychologique pour empêcher ce qui l’avait poussée à attenter à sa vie ne revienne. En entrevue au quotidien Le Devoir, elle nomme le psychiatre Jean-Claude Bertrand, de l’hôpital Sacré-Coeur, qui l’a «sauvée psychologiquement». Mais il y a autre chose.

«J’ai le sentiment qu’avec la chute que j’ai faite, mes démons intérieurs sont morts à ce moment-là et que ce qui est resté, c’est Jeanne, illustre-t-elle. Je me sens plus légère. Je me répétais aussi, comme un mantra, que la seule différence désormais est que je vais être assise. Ça m’a beaucoup aidée et ça m’aide encore aujourd’hui.»

Assise oui, mais pas inactive: Jeanne a repris son travail de scénariste et planche sur différents projets, incluant un livre pour enfant intitulé Matante roulante. Les éditions Flammarion l’ont même déjà approchée pour la publication de l’ouvrage.

«Mes parents et mon chum m’ont dit que ça fait au moins dix ans qu’ils ne m’ont pas vue aussi bien, dit-elle. C’est ridicule car c’est quand même quelque chose ce que je vis! Ça me surprend comment je vais franchement mieux!»

Jeanne va mieux, oui, mais au-delà de la résilience dont elle fait preuve, elle a obtenu un coup de pouce de la médecine, une chirurgie nouveau genre qui lui permet de retrouver un usage partiel de ses mains.

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La semaine prochaine: L’opération qui change tout.

Besoin d’aide? Centre de prévention du suicide de Québec 1 866 APPELLE (277-3553).