Le 31 août dernier, après avoir été entre les mains d’Yvon Myner et de Danielle Lacasse pendant plus de 50 ans, la vente du cinéma Laurentian de Grenville a officiellement été annoncée. Cependant, ce dernier restera ouvert jusqu’au 30 septembre pour offrir une chance aux cinéphiles de la région d’aller y voir un dernier film ou simplement de se remémorer les souvenirs inoubliables vécus dans cette véritable institution de l’industrie des cinémas québécois.
« Depuis qu’on a mis la pancarte devant l’immeuble, plusieurs gens sont venus nous voir, dont plusieurs simplement pour nous raconter des souvenirs et anecdotes vécus dans notre cinéma. Une de nos clientes de longue date est notamment venue avec son fils de quatre ans pour voir ‘La Pat’ Patrouille’ pour qu’il puisse lui aussi à son tour avoir vécu l’expérience au moins une fois », raconte Danielle Lacasse, copropriétaire de l’établissement depuis 51 ans.
C’est vrai que plusieurs générations ont eu la chance de franchir les portes du ‘Laurentian Theatre’ à travers les années. Ayant ouvert ses portes en 1950, il est le deuxième plus ancien cinéma encore actif de tout le Québec, seul le cinéma Pine de Sainte-Adèle le devance en ayant quant à lui ouvert en 1948.
Un lieu familial
Après 20 ans d’existence, le cinéma Laurentian passa entre les mains d’Yvon Myner et de Danielle Lacasse en 1970. À travers les années, le couple et leur cinéma développeront une relation de confiance extrêmement riche avec sa clientèle, créant ainsi une atmosphère familiale comme on en voit rarement de nos jours.
« Avec les années, ce n’était plus seulement le cinéma Laurentian, les gens l’appelaient souvent ‘le cinéma d’Yvon et Danielle’. Ils y laissaient leurs enfants aller voir un film en sachant très bien qu’ils étaient en sécurité et que nous étions présents si jamais quelque chose n’allait pas », se remémore Danielle Lacasse avec une extrême gratitude.
Durant les 51 années où ils ont été propriétaires, Yvon Myner et Danielle Lacasse se sont adaptés à toutes les nouvelles avancées qu’amenait l’industrie, que ce soit le ‘carbon’, les tables tournantes et plus récemment le digital avec le « Dolby Surround ». Ils ont aussi eu la chance de voyager un peu partout dans le monde pour aller à des conventions et des tapis rouges, rencontrant aux passages plusieurs célébrités de l’industrie cinématographique que ce soit à New York ou Los Angeles. C’est évidemment aussi la diffusion de plusieurs films qui les ont marqués en allant directement toucher ceux qui voyaient ce qui est devenu des classiques pour la première fois.
« Je crois que l’un des meilleurs films qui ont été faits et qui rejoignent le plus de gens est sans doute ‘Titanic’ (1997) », se rappelle Yvon Myner. « Il y a aussi eu ‘E.T.’ (1982), je me souviens avoir vu les enfants pleurer en sortant de la salle car ‘E.T.’ devait retourner chez lui à la toute fin », raconte Danielle Lacasse, en se rappelant aussi du succès des diffusions de type ‘Midnight’ de films d’horreur qu’ils présentaient de 22h à 5h du matin pendant quelque temps.
Une retraite bien méritée
Bref, après 51 à la gestion d’un commerce ouvert sept jours sur sept, personne ne pourra dire que les deux entrepreneurs n’auront pas mérité leur retraite. Ils comptent d’ailleurs profiter de cette dernière pour passer plus de temps avec leurs deux enfants, habitant maintenant respectivement New York et l’Alberta.
D’ailleurs, cette retraite leur permettra de ne plus avoir à se soucier des récents obstacles que rencontrent les propriétaires de cinéma(s) : Fermetures liées à la pandémie, avènement du ‘streaming’, report de sortie des films (pour ne nommer que ceux-là).
Toutefois, il y aura toujours des obstacles, mais il y aura aussi toujours une place pour les cinémas, ou pour citer la fameuse phrase de Tom Fermanian, propriétaire du cinéma Pine de Sainte-Adèle : « Ce n’est pas parce que tu as une belle cuisine que tu n’iras plus jamais au restaurant et la même logique s’applique avec notre domaine ». De ce fait, même avec les difficultés liées à la pandémie, Danielle Lacasse voulait que les choses soient claires quant à la décision de vendre.
« Il est important de mentionner que nous ne vendons pas car le cinéma est en faillite mais bien parce qu’il est temps pour nous de prendre notre retraite et que nous n’avions pas de relève », indique Danielle Lacasse.
Avenir incertain
Si la pandémie n’est donc pas venue à bout de l’établissement, elle a tout de même grandement compliqué sa vente. Initialement, le couple voulait absolument vendre le commerce à des gens qui conserveraient son but premier. Par contre, deux fois plutôt qu’une, un acheteur potentiel a décidé de reculer en raison des incertitudes récentes du milieu. Au final, le couple a donc dû aller de l’avant et vendre à un homme d’affaires spécialisé dans l’immobilier. Si toutefois, ce dernier change d’avis, il ne manquera pas d’aide pour pouvoir conserver le cinéma.
« En visitant l’intérieur pour la première fois, il a immédiatement été frappé par les lieux, si bien qu’il nous a ensuite demandé des contacts dans l’industrie », mentionne Danielle Lacasse. « On lui a donc recommandé plusieurs personnes, dont un gérant-projectionniste au cas où il déciderait de garder le cinéma », a ajouté monsieur Myner.
Alors que ces décisions ne sont plus entre leurs mains, comme ils le font si bien depuis 1970, le couple continuera de gérer ce qu’il considère comme leur ‘bébé’ jusqu’au 1er octobre. Le public pourra donc venir voir des films au ‘cinéma de Danielle et Yvon’ jusqu’au 28 septembre. Il faut savoir qu’aucune représentation n’aura lieu le 29 et le 30 car il y aura à la place deux journées de réception où tout le monde pourra venir commémorer ce lieu emblématique de la région en se rappelant des souvenirs vécus lors d’une sortie en famille, entre amis, ou même avec une ‘date’.
Somme toute, ce n’est pas uniquement Yvon Myner et Danielle Lacasse qui tournent la page sur cette étape de leur vie, mais bien toute la région et ainsi l’industrie des cinémas du Québec.
Mise à jour : Cinéstarz débarque à Grenville