La rivière des Outaouais est l’un des attraits de la MRC d’Argenteuil: non seulement attire-t-elle des plaisanciers et autres touristes, elle attire également des résidents qui décident de s’établir le long de ses rives, de manière permanente ou saisonnière. Mais lorsque le printemps arrive, plusieurs gardent un œil vigilant sur ce cours d’eau et l’impact qu’il peut avoir en cas de crue importante. Pour minimiser l’impact de ces dernières, la Commission de planification de la régularisation de la rivière des Outaouais (CPRRO) met en place certaines mesures même si elle ne peut contrôler entièrement ce qui se passe sur la rivière.
Lorsqu’une goutte d’eau voyageant par la rivière des Outaouais arrive dans Argenteuil, son périple est presque terminé: il ne reste que quelques kilomètres à parcourir pour atteindre l’embouchure de la rivière, dans le lac des Deux-Montagnes. Cependant, elle pourrait avoir parcouru des centaines de kilomètres auparavant: la rivière des Outaouais prend sa source en Abitibi et son bassin versant couvre 146 000 km² et comporte plus de 1100 km de différentes rivières. Une goutte d’eau peut prendre jusqu’à trois semaines pour parcourir toute la distance entre la source de la rivière des Outaouais et son embouchure près de Montréal.
Or, le bassin versant de l’Outaouais est situé à 65% au Québec, le reste étant en Ontario. Qui plus est, il y a 43 barrages hydroélectriques sur le territoire du bassin versant, dont ceux de la Chute-Bell et de Carillon, en plus de 13 réservoirs qui sont gérés par quatre opérateurs différents: Hydro-Québec, son homologue ontarien Ontario Power Generation et les gouvernements du Québec et du Canada.
C’est en 1983 qu’a été créé la CPRRO afin de coordonner les actions de ces différentes entités dans la gestion de ces 13 réservoirs car ce sont ces derniers qui peuvent avoir un impact, quoique limité, sur la montée des eaux au printemps.
L’impact des réservoirs
Avec 13 réservoirs dans l’ensemble du bassin versant de l’Outaouais, on pourrait s’attendre à ce que la majorité de l’eau qui entre dans celui-ci soit régulée grâce à eux. Cependant, seulement 40% de l’eau du bassin transite par les réservoirs, majoritairement dans sa partie nord; les 60% restant tombent dans des parties du territoire qui ne sont pas régulées par des réservoirs.
«Lorsqu’il y a des crues importantes, ça peut être parce qu’on a eu un apport en eau trop important pour nos réservoirs et on doit en laisser passer ou encore, il y a beaucoup de pluie ou de neige tombées dans le secteur où on n’a aucun pouvoir de régulation», explique Pierre-Marc Rondeau, ingénieur chez Hydro-Québec.
Les réservoirs du bassin versant de l’Outaouais permettent d’emmagasiner l’eau venant notamment de la fonte des neiges au printemps afin de poursuivre la production d’électricité dans les périodes plus sèches de l’année. Les réservoirs sont vidés entre janvier et avril afin de faire de la place à l’eau venant de la nouvelle fonte des glaces. À titre d’exemple, les grands réservoirs Baskatong et Dozois ont des capacités respectives de 3049 et de 1871 hectomètres cubes (un hectomètre correspond à 100 mètres).
À l’inverse, le barrage de Carillon n’a pas de réservoir à proprement parlé puisqu’il s’agit d’une centrale au fil de l’eau: il n’a une capacité de rétention de 15 hectomètres cubes seulement. «Cette installation ne crée qu’un petit réservoir qui est trop petit pour avoir un impact sur les crues printanières, explique monsieur Rondeau. L’eau qui arrive là doit passer la centrale dans la journée sinon, ça pourrait déborder.»
En 2019, la rivière des Outaouais a connu sa pire crue printanière en près de 140 ans de collecte de données. Celle-ci aurait pu être pire sans l’impact des réservoirs: on estime qu’à la centrale de Carillon, le débit maximal de la rivière aurait pu atteindre 14 500 m³/seconde, soit 5000 m³/seconde de plus que ce qui a été observé. Au lac des Deux-Montagnes, le niveau de l’eau aurait pu être de près de un mètre plus élevé que ce qui a été observé.
L’effet du barrage de Carillon
En 2017 et en 2019, l’un des commentaires qui revenait le plus souvent lors des inondations à St-André-d’Argenteuil était pourquoi voyait-on le lit rocheux de la rivière des Outaouais en amont du barrage de Carillon alors qu’en aval, les terrains étaient inondés?
Chaque printemps, le niveau de l’Outaouais est abaissé d’environ 60 cm à Carillon afin de limiter la hausse du niveau d’eau en raison des crues en amont de la centrale, jusqu’à Gatineau, soit à environ 110 kilomètres de là. L’impact est relativement minime: on parle d’environ 25 centimètres à Grenville et de 10 centimètres à Gatineau.
Cela n’affecte cependant pas le débit de la rivière: une quantité d’eau plus importante peut passer à la centrale même si le niveau de la rivière est bas. À l’inverse, un niveau d’eau plus élevé ne signifie pas nécessairement un plus fort débit. C’est ce qui explique pourquoi lors d’une crue, l’eau en amont du barrage de Carillon est bas mais qu’en aval, il y a des inondations puisque la quantité d’eau qui passe à la centrale est plus élevée que le reste de l’année.
«Le niveau de la rivière au pied du barrage dépend de la quantité d’eau qui s’écoule dans une centrale du fil de l’eau, explique monsieur Rondeau. On doit laisser sortir l’eau car sinon, ça passerait par-dessus le barrage. Le niveau d’eau au lac des Deux-Montagnes dépend de la quantité d’eau qui passe dans la rivière et non pas de nos opérations.»
On peut illustrer ce phénomène en le comparant à un bouchon de circulation: plus il y a de voitures qui arrivent en même temps au même endroit, plus un ralentissement se fait et celui-ci se fait ressentir de plus en plus loin en amont. Le lac des Deux-Montagnes, qui se jette dans le fleuve St-Laurent, se retrouve avec une grande quantité d’eau en même temps qu’il ne peut évacuer et le niveau de la rivière commence à monter de plus en plus loin en amont.
Et cette année?
Évidemment, impossible de prévoir à l’avance chaque année quelle importance auront les crues printanières. La météo a bien sûr un impact: la quantité de neige au sol, la température et les précipitations printanières sont les trois éléments à prendre en considération.
Pour 2021, au début mars, la quantité de neige au sol était généralement sous la moyenne des années précédentes. À titre de comparaison, en 2019, il y avait 63% plus de neige au sol au nord du bassin versant que la normale.
«Cela faisait 5 ans que l’on avait eu chaque année plus de neige que la normale. Cette année, on a eu pas mal moins, confirme Pierre-Marc Rondeau. La fonte de la neige a aussi commencé plus tôt cette année: il n’y en a déjà presque plus au sud du bassin versant. Au nord, il n’en reste que 50%. Ce ne sera pas un enjeu cette année.»
Les prévisions météorologiques font également état de peu de précipitations pour les prochaines semaines. Le printemps 2021 devrait donc être plutôt tranquille au niveau des inondations.
«Ce que l’on voit, c’est que l’on se dirige vers une crue qui sera très tranquille cette année, confirme monsieur Rondeau. Les choses peuvent évoluer en avril mais pour l’instant, les risques semblent très faibles cette année.»
Pour en savoir plus sur le CPRRO, visitez le www.rivieredesoutaouais.ca. Quant à la gestion des crues printanières par Hydro-Québec, visitez le www.hydroquebec.com/production/crues-printanieres.html.