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le Jeudi 11 juin 2020 20:44 Judiciaire

Quelle peine pour Ugo Fredette?

Quelle peine pour Ugo Fredette?
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La Couronne réclame 50 ans

Du 1er au 5 juin se tenaient les représentations sur sentence d’Ugo Fredette au Palais de justice de St-Jérôme. Déclaré coupable par un jury en octobre dernier des meurtres au premier degré de son ex-conjointe Véronique Barbe et du Lachutois Yvon Lacasse, Fredette risque de passer minimalement 50 ans en prison si la Couronne réussit à convaincre la juge Myriam Lachance d’appliquer une disposition de la loi permettant les peines consécutives.

Rappelons qu’en septembre 2017, Ugo Fredette a assassiné son ex-conjointe Véronique Barbe de 17 coups de couteau dans leur résidence de St-Eustache avant de s’enfuir avec un jeune enfant qui se trouvait sur les lieux, déclenchant la plus longue Alerte Amber du pays. Pour brouiller les pistes, il a ensuite fait un arrêt à la halte routière de Lachute où il a battu à mort le Lachutois Yvon Lacasse, 71 ans, pour lui voler son véhicule. Fredette a été arrêté en Ontario le lendemain et le corps de monsieur Lacasse n’a été retrouvé qu’une semaine plus tard.

Déclaré coupable en octobre dernier des deux meurtres au premier degré, Fredette doit maintenant savoir quelle peine de prison l’attend. Un meurtre au premier degré est passible de la prison à vie sans possibilité de libération avant 25 ans. Or, depuis décembre 2011, une disposition dans le Code criminel permet à un juge d’ordonner que les peines soit purgées une après l’autre dans le cas de meurtres multiples.

Lors des représentations sur sentence au Palais de justice de St-Jérôme, la Couronne et la défense ont chacun à leur tour présenté des rapports d’experts psychiatres. Dans le cas de la Couronne, le docteur Gilles Chamberland estime qu’Ugo Fredette a un trouble de la personnalité narcissique qui fait qu’il ait peu de chance de se réhabiliter après 25 ans. Du côté de la défense, le docteur Louis Morissette croit qu’il s’agit plutôt de simples traits narcissiques, ce qui permet de croire en sa réhabilitation.

Plaidoiries

Le Régional a assisté à la plaidoirie du procureur de la Couronne, maître Steve Baribeau, au Palais de justice de St-Jérôme, le 4 juin. Dans une plaidoirie fleuve, le procureur estime que les peines de prison pour les deux meurtres au premier degré devraient être purgées consécutivement et non pas en même temps, ce qui mènerait à une peine minimale de 50 ans de prison. Selon Me Baribeau, cela irait à l’encontre de l’esprit de l’article 745.51 du Code criminel permettant aux juges d’ordonner que les peines soient purgées une après l’autre dans le cas de plusieurs meurtres commis par le même individu.

«Si ce dossier ne mérite pas un cumul de peine, je ne sais pas ce qui pourrait valoir ça! [Ugo Fredette] a commis le pire des crimes et pas juste une fois: sur deux personnes qui ne se connaissaient même pas!, a clamé le procureur de la Couronne. Si on ne donne pas une peine concurrente, c’est que la vie de monsieur Lacasse ne valait rien. Pourquoi le second meurtre vaudrait moins que le premier? Le message est important pour la crédibilité du système et pour le message que ça envoie au public. C’est rare qu’un tribunal peut envoyer un tel message univoque pour toute personne voulant imiter Ugo Fredette!»

D’après Me Baribeau, le meurtrier a une grande responsabilité morale dans les deux crimes qu’il a commis. «On a ciblé un homme de 71 ans. En huit minutes, on s’est attaqué à lui et pas de n’importe quelle manière: on lui a défait le visage. Il fallait qu’il meurt, a clamé le procureur. [Ugo Fredette] était prêt à tout même à prendre la vie d’un innocent.»

Tout au long de sa plaidoirie, Me Baribeau est revenu sur le rapport du docteur Chamberland sur la personnalité narcissique d’Ugo Fredette et chaque fois, ce dernier hochait négativement la tête.

Le lendemain, ce fut au tour de la défense de plaider en faveur d’une peine minimale de 25 ans. Selon l’avocat Louis-Alexandre Martin, une peine minimale de 50 ans reviendrait à condamner Ugo Fredette à mort puisque celui-ci serait devenu un nonagénaire au moment où il pourrait demander une libération conditionnelle. La défense a aussi insisté sur le fait que même après 25 ans, ceci ne signifierait pas qu’Ugo Fredette pourrait être automatiquement libéré.

La juge Lachance a pris l’affaire en délibéré. Selon Me Baribeau, depuis 2011, 16 dossiers d’au moins deux meurtres au premier degré commis par la même personne ont mené à des peines consécutives au Canada. Cependant, l’un de ces cas est celui du tueur de la mosquée de Québec, Alexandre Bissonnette, condamné à 40 ans pour six meurtres et ce dernier fait actuellement appel pour déclarer cette mesure comme anticonstitutionnelle. La juge Lachance devra vraisemblablement attendre la décision dans ce dossier avant de se prononcer dans celui d’Ugo Fredette, ce qui risque de prendre encore quelques mois.

Il est à noter qu’Ugo Fredette a fait appel de sa condamnation en réclamant un nouveau procès.