le Vendredi 17 janvier 2025
le Jeudi 4 mai 2023 9:19 Santé

Des médecins tirent la sonnette d’alarme

Durant tout le mois de mai, le service de radiologie de l'hôpital de Lachute sera fermé de 20h à 8h. Les patients qui se présenteraient à l'urgence et qui nécessiteraient une radiographie seront envoyés vers d'autres centres hospitaliers.
Des médecins tirent la sonnette d’alarme
00:00 00:00

Depuis le 24 avril dernier, il n’y a plus de technicien en radiologie de 20h à 8h à l’hôpital de Lachute et ce, jusqu’à la fin du mois de mai. Il s’agirait d’un projet-pilote du Centre de santé et de services sociaux (CISSS) des Laurentides mais celui-ci n’est pas au goût des médecins travaillant à l’hôpital, certains ayant même créé le comité «Sauvons l’hôpital de Lachute» afin de dénoncer la situation.

Le docteur Pierre-Charles Deschênes, médecin de famille qui pratique aussi en médecine hospitalière à l’hôpital lachutois, n’en revient tout simplement pas. Il a appris par courriel le jour même, soit le 24 avril dernier et en même temps que tous ses collègues, que le service de radiologie de l’hôpital de Lachute allait désormais être fermé de 20h à 8h et ce, jusqu’à la fin mai. Il affirme que le message du CISSS spécifiait qu’il s’agissait d’un projet-pilote et découlerait du manque de personnel.

«Notre première impression en voyant le libellé du courriel qui disait que c’était un projet-pilote, on se disait que ça allait être quelque chose de bien mais finalement, on voyait bien que l’on réduisait en fait l’offre de service, dénonce-t-il en entrevue au Régional. On était tous surpris de ça, les médecins de l’urgence étaient même fâchés. Cela va avoir un impact sur la qualité des soins.»

Ainsi, durant les heures de fermeture du service, les ambulances seront détournées vers d’autres centres hospitaliers des Laurentides, soit à St-Jérôme ou à St-Eustache. Quant aux patients qui pourraient se présenter à l’urgence et qui nécessiteraient une radiographie, ils pourraient devoir attendre jusqu’au lendemain matin pour enfin recevoir le service.

«Pour les patients déjà hospitalisés, s’ils ont une problématique la nuit, il n’y a pas d’imagerie possible, ajoute le docteur Deschênes. Il y a des enjeux médicaux, de qualité de l’acte médical, des retards de diagnostic… Si cette situation se pérennisait, je crains que ce ne soit la fin de l’hôpital de Lachute.»

À la fin du mois de décembre et au début du mois de janvier, le service de radiologie avait également été fermé pendant cinq soirs différents en raison d’un manque de personnel.

Manque de personnel

Le CISSS des Laurentides a pris plus de 36 heures pour répondre aux demandes médiatiques du Régional. Si l’organisme refuse d’accorder des entrevues sur le sujet, il indique que cette décision a été prise suite à un manque de personnel en imagerie médical.

«Le manque de technologues en imagerie médical est un enjeu vécu partout au Québec, explique par courriel Maxime LeDuc, porte-parole du CISSS des Laurentides. Ce changement aux heures de services de radiologie vise à diminuer la pression sur l’équipe réduite. La situation est temporaire et sera révisée à la fin du mois de mai.»

Le porte-parole indique que le CISSS déploie de nombreux efforts afin que le service retrouve un horaire normal, notamment en ce qui a trait au recrutement de nouveaux employés, autant au Québec qu’à l’international, et en rappelant des technologues retraités, entre autres mesures.

Il ajoute que la pénurie de main-d’oeuvre affecte ce service en particulier de l’hôpital et non pas les autres. «Nous insistons pour rassurer la population à l’effet que nous n’avons aucune intention de fermer cet hôpital, ni même d’en réduire les services, dit-il. Au contraire, nous sommes déterminés à y offrir les meilleurs services possibles pour la population».

Monsieur LeDuc confirme que les cas urgents ne nécessitant pas d’examen radiologique pourront toujours être reçus à l’urgence de l’hôpital, peu importe l’heure. Quant aux patients qui se présenteraient par eux-mêmes à l’urgence avec un cas qui nécessiteraient un tel examen immédiatement alors que le service de radiologie est fermé, le transport leur sera assuré vers d’autres centres de service. Les cas non-urgents se verront offrir un rendez-vous durant les heures d’ouverture du service.

Pas la meilleure solution

Marie-Ève Meilleur, représentante nationale pour la région des Laurentides de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), confirme que le manque de personnel en radiologie à l’hôpital lachutois a un impact sur les employés mais ne croit pas que la fermeture de nuit du service est la bonne solution.

«Les employés que l’on représente dans ce secteur sont épuisés. Ils ne sont pas assez pour couvrir une plage de 24/7, dit-elle. Est-ce que la solution de fermer le service de nuit est la bonne? Je suis loin d’en être convaincue. Les gens avec des cas non-urgents devront attendre au lendemain matin tandis que les cas lourds, par exemple un accidenté de la route, seront transportés vers d’autres centres hospitaliers, ce qui pourrait mettre leur vie en danger.»

Selon madame Meilleur, une amélioration des conditions de travail et des salaires seraient préférables à la fermeture de nuit afin d’attirer de nouveaux employés pour couvrir toutes les plages horaires. «L’hôpital de Lachute est relativement éloigné des grands centres, ce qui le rend moins populaire, affirme-t-elle. En donnant des primes et des meilleurs salaires pour ce secteur-là, ce serait primordial. Actuellement, les employés n’ont qu’à traverser à Hawkesbury pour des salaires plus avantageux.»

«Il faut des choses pour attirer des gens à Lachute et ce n’est pas en fermant le service que ça va en attirer, bien au contraire!»

Sauver l’hôpital de Lachute

Selon le docteur Pierre-Charles Deschênes, la situation de l’hôpital lachutois inspire des craintes.

«Depuis environ 20 ans, il y a une diminuation de l’offre de services à l’hôpital de Lachute, lance-t-il. Ces dernières années, ce sont les spécialités qui ont été coupées: on avait avant un microbiologiste qui venait une fois par semaine; les gens qui suivent un traitement de chimiothérapie, pour voir leur spécialiste en hémato-oncologie, doivent maintenant se déplacer ailleurs…»

Depuis l’annonce du CISSS le 24 avril dernier, un groupe de médecins et d’employés de l’hôpital lachutois se sont mobilisés et ont créé le comité «Sauvons l’hôpital de Lachute» afin de sensibiliser les décideurs à la situation du centre hospitalier. Le comité aurait déjà pris contact avec le bureau de la députée Agnès Grondin et veut aussi discuter avec les maires de la région et la présidente-directrice-générale du CISSS, Rosemonde Landry.

«La décision du CISSS ne fait pas de sens, enchaîne le docteur Deschênes à propos de la fermeture de nuit du service de radiologie. Il faut que les gens soient au courant de la situation. S’ils se présentent à l’hôpital par leurs propres moyens, ils pourraient ne pas avoir accès aux services auxquels ils s’attendent.»

Le médecin croit que la création d’un tel comité pourrait avoir un impact positif. Il cite en exemple l’hôpital de Lachine, dans le sud-ouest de Montréal, qui était menacé de fermeture. «Quand les gens se sont levés, le PDG du CIUSSS s’est engagé à offrir des services. Ils vont finalement garder l’hôpital ouvert, explique-t-il. Quand la volonté politique est là, quand il y a un plan, tout est possible.»

Marie-Ève Meilleur a confirmé que des membres de l’APTS sont actuellement en contact avec le comité Sauvons l’hôpital de Lachute afin de voir comment le syndicat pourrait appuyer cette initiative.

Pas surpris

Le préfet de la MRC d’Argenteuil, Scott Pearce, qui est aussi président du Conseil des préfets et élus des Laurentides, a déclaré ne pas être surpris par la décision du CISSS. «On veut des services de base chez nous, pas des spécialités comme à St-Jérôme qui est quand même la capitale régionale. On comprend qu’on ne peut pas tout avoir, dit-il. Mais ça n’a pas de bon sens que nos citoyens vont à Hawkesbury pour obtenir des soins de santé. C’est désastreux que l’argent des Québécois aille en Ontario!»

Le préfet demande au gouvernement d’investir dans le système de santé laurentien et plus particulièrement à Lachute. Il dit aussi appuyer la démarche du comité «Sauvons l’hôpital de Lachute».

«Ce n’est pas le rôle des MRC de financer le système de santé mais nos municipalités ont quand même fait des dons pour près de 200 000$ dans les dernières années à la Fondation de l’hôpital d’Argenteuil, rappelle-t-il. On met presque plus d’argent dans notre hôpital que le gouvernement!»