Dans le cadre du Mois national de l’histoire des Noirs, près d’une trentaine de personnes allant de citoyens à organismes se sont rassemblées au Centre culturel Le Chenail à Hawkesbury. Au menu, un café-causerie pour discuter de diversité, d’immigration, d’intégration et bien plus encore, le 25 février dernier.
« Hawkesbury n’est pas aussi homogène qu’elle l’était il y a 15 années de cela. Aujourd’hui, on voit beaucoup plus de visages différents, car plusieurs personnes choisissent de venir s’installer ici », témoigne Farah Louis, coordonnatrice de projet – immigration, pour le Centre de services à l’emploi de Prescott-Russell (CSEPR), l’organisme derrière cette initiative.
Pour mettre quelques chiffres derrière ce mois historique, selon les dernières données offertes par Statistique Canada, en 2021, la population noire de Prescott-Russell s’évaluait à 1 900 personnes. Cela représente 2% de la population totale d’un peu plus de 95 000 citoyens. Bien que cela peut encore sembler minime, c’est près du double du recensement précédent, en 2016, où cela se situait à 1,3%.
Apprendre à accueillir
L’un des objectifs du CSEPR était d’ailleurs de prendre la balle au bond du Mois de l’histoire des Noirs afin d’en profiter pour faire de la sensibilisation. Une initiative s’adressant autant aux nouveaux arrivants qu’à ceux qui les accueillent.
« C’est des deux côtés, on a besoin que tout se passe bien des deux côtés […]. La communauté d’accueil n’est pas nécessairement habituée à voir tous ces visages et il faut la sensibiliser à voir toutes ces nouvelles personnes qui arrivent, parce qu’elles sont une plus-value pour la communauté. Elles enrichissent la communauté », précise Farah Louis.
Les discussions du 25 février représentent d’ailleurs la dernière initiative parmi tant d’autres organisées à Hawkesbury à ce chapitre. Ce travail de longue haleine avait notamment pris de l’ampleur en 2019, alors que la Ville avait été nommée Communauté Francophone Accueillante (CFA) par le gouvernement du Canada.
« C’est justement de sensibiliser les immigrants à vraiment intégrer les communautés francophones. Au Canada, c’est souvent plus anglophone ; on arrive et il y a la barrière de la langue, des choses qu’on ne comprend pas bien et ça rend l’intégration parfois plus difficile », témoigne cette fois Élise Edimo, fière francophone, et agente de liaison au Réseau de soutien à l’immigration francophone de l’est de l’Ontario (RSIFEO).
Le travail : au cœur de l’intégration
En parlant de langue, pour plusieurs nouveaux arrivants, le milieu de travail est aussi l’un des premiers lieux sociaux. Trouver ce travail, autant pour l’aspect social qu’économique, représente donc l’une des premières étapes d’une intégration réussie. Ces deux aspects sont d’ailleurs aussi vrais pour la communauté au sens large. Farah Louis n’hésite pas à dire que l’arrivée d’immigrants est une « plus-value » culturelle. Mais encore, l’organisme qu’elle représente a aussi indiqué à maintes reprises qu’il s’agissait de la solution pour combler la pénurie de main-d’œuvre qui frappe durement la région depuis quelques années.
« La personne qui vient dans la communauté veut travailler, parce qu’elle veut trouver un logement et trouver un établissement scolaire ou une garderie pour ses enfants […]. Cela part de ça, et les autres besoins viennent ensuite », détaille la coordonnatrice du CSEPR.
Comprendre le système scolaire
Au-delà du travail, comme madame Louis le soulignait d’autres enjeux sont aussi cruciaux, notamment celui de l’éducation. C’est là qu’entre en scène un organisme tel que le Centre des services communautaires Vanier.
« C’est un gros défi ; arriver, comprendre le système scolaire, comprendre la communication entre la direction et les parents, parce que peu importe d’où on vient, ça fonctionne souvent différemment ailleurs, culturellement parlant », explique Diouf Ifaso Ibe, travailleur d’établissement dans les écoles francophones de Prescott-Russell.
Ce dernier a donc pour mission d’arpenter la région entière pour faciliter la transition scolaire des plus jeunes, comme des plus vieux : « C’est un grand défi oui, et c’est aussi un grand territoire. Si ma voiture pouvait parler elle me dirait surement : ‘arrête, tu me bouges trop’, mais c’est signe qu’on est là pour les gens, alors n’hésitez pas à nous appeler », ajoute-t-il à la blague.
Apprivoiser la police
Un autre sujet qui a pris une part importante des discussions est le rôle des policiers et donc dans ce cas-ci, de la Police provinciale de l’Ontario (OPP) de Hawkesbury, dans cette intégration : « Notre focus est vraiment d’être des partenaires. Je veux voir plus de mes officiers dans la communauté, dans les écoles, pour vraiment aller chercher la confiance des gens », a témoigné la sergente-détective du détachement de Hawkesbury, Anne-Christine Gauthier.
D’ailleurs, cette dernière est consciente qu’avec ce qu’il se passe ailleurs dans le monde, notamment aux États-Unis, certains nouveaux arrivants pourraient penser que la situation du profilage racial est la même au Canada que chez nos voisins du Sud. De ce fait, elle a tenu à rappeler qu’ici, des mesures bien plus strictes et précises étaient nécessaires pour que les agents de la paix aient recours à la violence. Plus encore, que l’OPP se veut être un allié et non pas une nuisance.
« Je sais que parfois, on peut être perçu comme des méchants, mais on n’est vraiment pas comme ça, alors c’est vraiment important pour nous d’aider la communauté », a-t-elle précisé, en notant que deux policiers des 60 du détachement étaient de race noire, une proportion qui peut paraitre faible mais qui devance tout de même celle de la proportion citoyenne de Prescott-Russell nommée plus haut.
Le rôle du Chenail
Finalement, bien que le CSEPR était derrière l’organisation de l’événement, pour le Centre culturel Le Chenail, il était toutefois fort naturel d’être l’hôte de telles discussions. Ce n’était d’ailleurs pas que l’affaire d’une journée. Le lendemain, le Centre culturel a poursuivi sa commémoration du Mois de l’histoire des Noirs. Voulant utiliser la culture comme objet de mémoire, le ‘Chenail’ a notamment présenté le film documentaire La légende de Madiba, parlant de l’Apartheid, en plus de célébrer le héros ayant mis fin à cette époque, Nelson Mandela.
« Nous, tout ce qu’on fait, c’est pour la communauté, dans la communauté », a commenté Lynda Clouette-Mackay, directrice générale et artistique du Centre culturel au cœur de l’île du Chenail.