D’après un sondage de la firme d’analyse Maru, mené en mai dernier, 65 % des personnes de 18 à 24 ans au Canada «craignent de ne pas arriver à payer les dépenses courantes».
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Des coûts élevés au-delà des frais de scolarité
En septembre 2022, le coût du panier d’épicerie affichait la hausse annuelle la plus marquée depuis 1981. En 2021, selon une enquête de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), le loyer moyen pour un logement (toutes tailles confondues) s’élevait à 1 133 $ par mois au pays.
Selon Statistiques Canada, en 2022, les droits de scolarité pour faire des études postsecondaires de premier cycle au Canada atteignaient une moyenne largement supérieure à6 500 $ par an.
Source : Statistique Canada
Les bourses, une lame à double tranchant
Pour être en mesure de couvrir leurs dépenses, les étudiants peuvent espérer profiter de deux principaux types d’aide financière : les prêts étudiants, qui doivent bien entendu être remboursés, et les bourses.
Pour Alexis Gasc, l’obtention d’une bourse lui permettrait de ne plus se soucier des frais d’études ou presque, mais il considère que c’est une lame à double tranchant.«C’est sûr que, [en dernière année du secondaire], j’ai vraiment beaucoup de pression. Je m’en ajoute aussi en voulant mettre le plus de chances de mon côté pour les demandes d’admission d’université et pour les bourses.»
Pour embellir son curriculum vitae, il s’investit dans plusieurs activités extracurriculaires, notamment comme président de l’école et capitaine de l’équipe de soccer. Aussi étudiant au baccalauréat international, «C’est beaucoup de stress, surtout parce que je fais le programme [du Baccalauréat International]», admet-il.
Marguerite Tölgyesi consent que d’accéder à des bourses ajoute de la pression sur les futurs étudiants. Pour les bourses liées au rendement scolaire, «il faut que tu aies de vraiment bonnes notes. Si un semestre, ça va moins bien, tu perds ta bourse», explique-t-elle.
D’autres bourses sont réservées à ceux qui sortent tout juste du secondaire, donc prendre une année pour travailler ou voyager avant d’amorcer le postsecondaire peut couter cher.
Apollo Sévigny a un emploi à temps partiel et passe beaucoup de temps à faire des demandes de bourse. Solliciter les lettres de recommandation, préparer les textes de motivation et tous les documents nécessaires demande du temps et de l’énergie qui n’est pas consacré aux travaux scolaires ou à son emploi.
Mais Apollo a un objectif clair : «Je n’ai pas envie de sortir de l’université soit pauvre, soit en dette.»
Le coût du logement source de stress
Le Franco-Colombien Alexis Gasca l’intention d’étudier à Montréal dès septembre prochain. Conscient qu’il devra trouver une solution abordable pour se loger, il devra faire un choix.
Le coût moyen d’un appartement à Montréal s’établit à 932 $ par mois, selon un rapport de février 2022 de la SCHL et le cout annuel d’une chambre partagée en résidence, incluant le forfait repas peut s’élever jusqu’à près de 20 000 $ par année académique (septembre à mai).
Pour éviter de débourser autant d’argent, Alexis Gasc contemple une option familière : «Il y a aussi mon cousin qui achète un appartement en 2023 […] lui aussi va aller à McGill, ce n’est pas loin, donc je vais peut-être déménager avec lui.»
Après le secondaire à Yellowknife, Apollo Sévigny souhaite également étudier à Montréal. «Ma mère et mon père, depuis que je suis bébé, mettent de l’argent dans un [fonds d’études] pour moi.» Avec ces fonds et les économies qu’iel fait en travaillant dans un hôtel cette année, Apollo voit grand.
«Ce que je voulais faire, avec l’aide de mes parents probablement, c’est d’acheter un condo, rester là et louer des chambres à d’autres personnes. Euxautres paient pour rester là, pour l’électricité et tout ça, mais je ne sais pas comment bien ça va fonctionner.»
Dans un rapport déposé en juin 2022, l’organismeYouthful Cities rapportait une augmentation globale du coût de la vie dans les villes canadiennes. Les 15 à 29 ans accusent en moyenne un déficit mensuel de 750 $, qu’ils occupent un emploi ou non. Ce déficit peut dépasser la barre des 1000 $ par mois dans des villes comme Winnipeg, Moncton, Halifax et Yellowknife. «Le 2/3 des villes restent inabordables même lorsque les jeunes travaillent à temps plein», note le rapport.
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Mais le travail à temps plein et les études à temps plein ne sont pas conciliables selon Marguerite Tölgyesi. «Étudier à temps plein, c’est 40 heures par semaine. Travailler à temps plein, c’est 40 heures par semaine. Il n’y a juste pas assez de temps pour qu’on fasse ça. On est humains!»
Les parents d’Anthony Huneault-Thai ont prévu quitter Sudbury, dans le Nord de l’Ontario, pour le suivre à Ottawa l’an prochain. «Ils vont payer l’appartement, le loyer, la nourriture», un avantage selon lui.
«Je me suis toujours dit “n’importe quel moyen est bon pour me rendre à un bon but ou une bonne carrière”. Aussi, avec l’argent mis de côté par mes parents, mes grands-parents, mes oncles et mes tantes, on prévoit d’au moins être capables de payer quatre années d’études, peut-être une cinquième.»
Malgré l’appui des membres de sa famille, Anthony n’écarte pas la possibilité de faire des demandes de bourses ou de contracter un prêt en cas de besoin.
Des nouvelles de Nyamae
Après près de trois ans d’attente ,la Franco-Terre-Neuvienne d’adoption, Nyamae Alloway, a obtenu sa résidence permanente le 8 novembre 2022. Sans ce précieux document, elle aurait dû s’inscrire à l’université en tant qu’étudiante étrangère, même si elle vit au Canada depuis l’âge de six ans. Elle a donc vu la facture de ses frais de scolarité diminuer considérablement.
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Selon Statistiques Canada, les étudiants étrangers au premier cycle paient en moyenne 29 289 $ de plus par année que les étudiants canadiens. Ils sont aussi limités à 20 heures de travail rémunéré par semaine. Ce plafond est actuellement levé du 15 novembre 2022 jusqu’à la fin de 2023.
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Pour Marguerite Tölgyesi, le risque de mener la capacité des étudiants au point de rupture est réel. «Il va falloir qu’on revoit un peu nos attentes de productivité envers les jeunes commeles adultes. Depuis la pandémie, on l’a vu, on ne peut plus continuer comme on faisait avant. On ne peut plus travailler 50 heures par semaine pour être plus productif. Ce n’est pas bon pour notre santé mentale, ce n’est pas bon pour la planète», conclut-elle.