
Paysage de Podvirne en Ukraine, la ville natale d’Alina Moskaluk.
« C’est terrible ce qui se passe, juste hier je parlais au téléphone à une amie habitant Kiev et tout à coup j’ai entendu une sirène d’alarme être déclenchée. Ils ont tout de suite dû évacuer l’immeuble pour se réfugier dans le métro », explique la native de l’ouest de l’Ukraine pour démontrer le climat de peur qui règne dans la capitale.
Tout comme un grand nombre de ses amis, sa famille habite encore en grande partie en Ukraine, ses parents résident d’ailleurs toujours dans le village de Podvirne, situé dans la région de Tchernivtsi, tout près de la frontière de l’Ukraine avec la Roumanie et la Moldavie. Un lieu qu’ils n’abandonneront jamais, avec ou sans guerre.
« J’adorerais que mes parents viennent au Canada, mais ils ont passé leur vie en Ukraine. Notre discussion [à ce sujet] s’est donc arrêtée quand ils m’ont dit que peu importe ce qui se passerait, ils ne laisseraient jamais leur maison et leurs terres comme un cadeau à la Russie », raconte celle qui est en contact quotidien avec ses proches.
Un frère au combat
Pour l’heure, Alina Moskaluk croit que ses parents sont relativement en sécurité puisque leur village est à près de 700km de la capitale et qu’il est juste à côté de la Roumanie, un pays membre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).
Alors qu’elle est au Canada, elle a une sœur au Danemark et un frère en Finlande, avec qui elle parle régulièrement. Elle a aussi un frère cadet, le seul des quatre à toujours habiter l’Ukraine. C’est d’ailleurs le seul à qui elle n’a pas pu parler dans la dernière semaine, pour des raisons de sécurité toutefois, puisque ce dernier est membre de l’armée ukrainienne.
« On ne peut rien savoir d’autre si ce n’est qu’il est en vie, car il y a beaucoup de cyberattaques et le gouvernement craint que plusieurs lignes soient sous écoute. Le simple fait de lui parler pourrait donc mettre en danger tout le monde sur sa base », indique-t-elle, disant avoir parlé à son frère pour la dernière fois deux jours avant les premières attaques.
« La folie d’un seul homme »
Avec le ton qui avait monté dans les dernières semaines, Alina Moskaluk affirme que ce n’est qu’à la « dernière minute » que plusieurs ont réalisé qu’une guerre approchait. Un scénario que personne ne souhaitait.
« C’est tellement triste d’avoir à vivre ça en 2022. Nous sommes un peuple qui n’a jamais voulu de guerre, qui n’a jamais pris quelque chose qui ne lui appartenait pas et qui a travaillé extrêmement fort pour être démocratique. C’est terrible de voir tout ce qui a été construit en 30 ans être détruit en cinq jours par la folie d’un seul homme [Vladimir Poutine] », déplore-t-elle.
Lors de la cinquième journée du conflit, des discussions ont d’ailleurs eu lieu entre les dirigeants de la Russie et de l’Ukraine. Bien que l’espoir persiste, aux yeux d’Alina Moskaluk, celui de voir le conflit se régler rapidement semble bien mince quand l’on constate les actions de Vladimir Poutine.
« On ne sait pas grand-chose des discussions, mais on a pu voir que Kharkiv (la deuxième ville la plus peuplée d’Ukraine) s’est fait bombarder quelques minutes après. Les dirigeants de la Russie disent une chose, mais en font une autre et démontrent depuis le début qu’on ne peut pas leur faire confiance même en discutant avec eux », dénonce-t-elle, avec une confiance toutefois absolue pour la force de son peuple.
Au cœur de la machine de guerre russe se retrouve une forte machine de propagande servant à maintenir l’image des dirigeants russes dans leur pays.
« Tu regardes dans les médias russes et ils ne mentionnent jamais que des centaines de civils ukrainiens sont morts. Pourtant, c’est bel et bien ce qui se passe, chaque jour, mes proches m’envoient des photos de ce qui se passe, des choses terribles et bien réelles qu’ils peuvent voir et capturer avec leurs propres téléphones », affirme-t-elle.
Le rêve canadien
Ce n’était pourtant pas pour fuir une guerre qu’Alina Moskaluk était débarquée au Canada en 2014. Après avoir été traductrice en France, c’est son amour pour la langue française qui l’a amenée à Hawkesbury il y a maintenant sept ans et demi.
Cinq ans plus tard, à Paris, elle a finalement pu revoir ses parents, avec qui elle parle tout de même plusieurs fois par semaine. Cependant, même s’il y a eu une pandémie et maintenant une guerre, elle regrette ne pas encore avoir revu sa terre natale.
« Quand tu es jeune tu as du temps, mais pas d’argent et plus tard tu as de l’argent, car tu travailles, mais tu n’as plus le temps », explique celle qui a obtenu sa résidence permanente au pays en 2021 et qui aspire un jour à obtenir sa citoyenneté canadienne.
Ainsi, à plus de 7000 km des combats,la future Canado-Ukrainienne est consciente qu’elle ne peut que prier pour ses proches toujours en Ukraine. Elle espère toutefois que son témoignage pourra sensibiliser et éduquer les gens de sa terre d’adoption sur la gravité de la situation actuelle.